Vínculo de árticulo en Internet
«Un philosophe doit-il s’engager ? Y a-t-il un lien obligatoire entre la réflexion et l’action ? Où en êtes-vous aujourd’hui ? », ce sont toutes ces questions que, dans le cadre d’une enquête universitaire sur « l’engagement des intellectuels, ses formes et ses conséquences », deux étudiantes de la Sorbonne, Milena et Gabrielle, sont venues poser récemment à Robert Redeker.
Ce prof de philo, autrefois au lycée Riquet de Saint-Orens, est toujours menacé de mort par des islamistes à la suite d’une tribune libre sur le Coran, à l’automne 2006. Venues spécialement à Toulouse (après avoir rencontré d’autres intellectuels engagés), les étudiantes ont pu constater qu’«un an et demi plus tard, rien n’a changé pour Robert Redeker ». Toujours contraint de vivre caché, sous la protection de la police, le simple fait de « trouver un endroit pour se parler en toute quiétude » a relevé du jeu de piste.
Au lieu de s’estomper « les menaces reviennent de manière récurrente sur internet », avoue Redeker, qui voit de plus en plus se préciser, comme le lui a fait comprendre le recteur Dugrip ces jours derniers, « un impossible retour dans une classe pour y enseigner normalement ». Détaché au CNRS (centre national de la recherche scientifique), le véritable « paria » qu’il est devenu du fait de sa condamnation à mort… ne peut même pas se rendre à son bureau.
« Je travaille donc chez moi, explique le philosophe, avec mes livres et sur la toile. J’achève actuellement un nouveau livre sur la question du Sport et de son humanité ». Chez lui ? Impossible de savoir où il habite, car sur ordre la police, il a dû déménager de sa maison de Saint-Orens pour « un domicile secret ».
Avec d’autres injonctions à la clé : « Ne parler à personne dans le voisinage, ne pas faire mes courses, ni même acheter mon journal, à moins de 30 km de chez moi, prévenir de tous mes déplacements… »
Et la mesure est valable à l’étranger : « J’ai été invité à faire une conférence en Espagne. Conduit à l’aéroport, j’ai rejoint mon avion par des portes dérobées. À mon arrivée, j’ai été immédiatement pris en charge par la police espagnole qui ne m’a pas lâché une minute… »
Comment continuer à vivre ainsi ? « Il le faut bien », répond Redeker avec lassitude. En ajoutant toutefois en souriant : « Parfois je triche un peu : à Noël, je suis allé à Paris… me promener seul, sans le dire, pour un court instant de liberté, sur les Champs Elysées ». Un (petit) bol d’oxygène pour un philosophe conscient de payer au prix fort « le seul fait d’avoir usé de ma liberté d’expression, dans un pays qui la proclame, face à ceux qui veulent la nier ».
Des fatwas aussi aux Pays-Bas et au Danemark
Les Pays-Bas ont renforcé jeudi leur niveau d’alerte antiterroriste, les autorités s’inquiétant des conséquences que pourrait avoir la diffusion annoncée, probablement sur internet courant mars, contre l’avis du gouvernement néerlandais, d’un film anti-islam signé par un député d’extrême-droite. Geert Wilders y compare le Coran, à « Mein Kampf » d’Hitler, et le présente comme « un livre fasciste ».
L’auteur du court-métrage a reçu des menaces de mort sur un forum djihadiste tandis que l’indignation monte dans plusieurs pays musulmans. L’Iran a menacé les Pays-Bas d’un boycottage économique tandis que des manifestations quotidiennes se déroulent contre le film en Afghanistan, où l’on craint des actions contre les quelque 1 600 soldats néerlandais actuellement déployés dans le cadre de la force internationale de l’Otan.
Une affaire qui fait craindre une nouvelle crise après celle liée, début 2006, à la publication de caricatures de Mahomet dans la presse danoise. L’affaire du film hollandais sera ainsi évoquée, la semaine prochaine à Bruxelles, lors du Conseil européen, hors agenda officiel. Elle sera aussi au centre des discussions lors du sommet de l’Organisation de la conférence islamique, cette même semaine à Dakar.
Nicolas Sarkozy s’est entretenu vendredi avec le Premier ministre néerlandais au sujet de cette affaire. Selon le leader hollandais, le président de la République l’aurait assuré du « soutien diplomatique de la France ».
Le cas de l’ancienne députée néerlandaise d’origine somalienne, Ayaan Hirsi Ali, qui vit sous protection policière depuis plusieurs années, a aussi été débattue par les deux chefs d’État, qui ont évoqué l’idée d’une forme européenne de protection des personnes mena- cées . La jeune femme fait l’objet de menaces de mort depuis l’assassinat en 2004 du réalisateur néerlandais Théo Van Gogh, avec qui elle avait réalisé un film sur les femmes et l’islam.
La publication de caricatures de Mahomet, en février, dans la presse danoise a aussi provoqué des manifs en Égypte et au Soudan.
Depuis fin 2006
Le 19 septembre 2006, Le Figaro publiait, sous la signature de Robert Redeker, une tribune libre intitulée « Contre les intimidations islamistes que doit faire le monde libre ? ». Dès le lendemain, 20 septembre, le prof de philo est qualifié de « Islamophobe du moment » sur la chaîne Tv Al Jazeera basée au Qatar. Dans la foulée, arrivent les condamnations à mort proférées par les cellules djihadistes sur internet. Puis directement sur son adresse électronique par les émules de Youssef Al Qaradawi, un important chef religieux sunnite, inspirateur des Frères musulmans, cette confrérie qui a déjà à son actif de nombreux meurtres, dont celui d’Anouar Al Sadate en Égypte. Immédiatement, la police place Robert Redeker sous haute protection. Il doit quitter son poste d’enseignant au lycée de Saint-Orens. Le 28 septembre, La Dépêche dévoile l’affaire. Certains reprochent à Robert Redeker d’avoir « été trop loin », d’autres le défendent au nom de la liberté d’expression. À la mi-décembre, un grand meeting de soutien se tient salle Jean-Mermoz, avec des personnalités venues de tous horizons politiques, philosophiques (juifs, musulmans, chrétiens, athées…) et culturels. Sur cette période, le philosophe a écrit un livre « Il faut tenter de vivre », aux éditions du Seuil.
J.-J. R.